RODRIGO SOROGOYEN
Il y a quelques semaines, je suis allé voir le dernier film de Sorogoyen, AS BESTAS.
Vu qu’il fera certainement parti de mon top 10, j’aurais certainement pu vous en parler ici, mais entre ma motivation souvent aléatoire pour écrire et le Festival d’Avignon, je ne l’ai pas fait.
Mais vu que mon cinéma a décidé de faire une rétrospective sur ce cinéaste, pourquoi pas faire comme eux et vous inciter à découvrir toute sa filmographie.
D’autant plus que je l’ai découvert grâce à la gérante de mon cinéma qui m’avait conseillé MADRE, qui aura été une véritable baffe et au point de devenir un de mes films préférés.
QUE DIOS NOS PERDONE est un polar noir, EL REINO un film sur la corruption politique, MADRE un drame poignant et AS BESTAS un thriller malaisant. On pourrait aussi parler de sa série ANTISISTURBIOS suivant un groupe de CRS… (il me reste à rattraper STOCKHOLM)
Mais même si les sujets de ses films sont extrêmement variés, ils se rejoignent en disséquant les travers de la société, tout en réinventant les genres grâce au talent fou de cet immense réalisateur.
Sa mise en scène laisse admiratif et propose des plans millimétrés à la photographie léchée qui font qu’énormément d’images impriment la rétine. Des plans souvent magnifiés par l'utilisation récurrente du grand angle, offrant des plans extérieurs de toute beauté ou intensifiant souvent le sentiment d'isolement des ses protagonistes torturés.
Car une force de son cinéma est certainement l'écriture de ses personnages qui est extrêmement travaillée. On aura souvent affaire à des anti-héros dont les choix mettront parfois un décalage entre eux et le spectateur mais dont la profondeur d'écriture fera souvent qu'ils arriveront à rester attachants. D'autant plus que Sorogoyen s'avère être un directeur d'acteurs d'exception. Alors oui, il sait s’entourer (Antonio de la Torre, Marina Fois, Denis Ménochet…), mais il en tire souvent le maximum. Et si ça fonctionne aussi bien, c’est aussi parce que ses personnages sont souvent proches du spectateur, l’aidant fortement à s’identifier à eux.
Mais surtout, Sorogoyen s’impose comme un maître absolu du suspense. Il trouvera toujours le moyen de surprendre le spectateur (le changement de trajectoire de AS BESTAS est à ce titre exemplaire). Car même s'il explore des genres radicalement différents dans ses films, ils se rejoindront par la tension qu'il y apporte.
Il la poussera même parfois à son paroxysme, jusqu’à être irrespirable.
La scène d’ouverture de MADRE est un chef d’œuvre à elle seule, mais je pourrai aussi citer la partie de Trivial Poursuit d’ANTISISTURBIOS, ou la scène du bar dans AS BESTAS.
Une autre de ses signatures est l'utilisation des plans séquences. Ils ne seront jamais accessoires, et tous plus bluffant les uns que les autres. Ne cherchant jamais à en mettre plein les yeux, on met parfois même du temps à réaliser qu'on est face à l'un d'eux. Mais leur choix sera toujours justifié, en intensifiant souvent la tension d'une scène, mais aussi en permettant à ses acteurs de délivrer tout leur potentiel.
En quelques films Sorogoyen est devenu un de ces réalisateurs dont le simple nom suffit à me faire déplacer au cinéma, sans même connaître le synopsis. Et j'attends d'ailleurs avec impatience, dans un mois, sa nouvelle série Apagon.
Bref, je vous invite fortement à découvrir son œuvre, et si possible au cinéma, tant ce sont des films d'ambiance qui prennent toute leur ampleur en salle obscure.