SIRÂT
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Quand la rave devient un cauchemar

SIRÂT est un choc de cinéma, un de ces films qui divisent, mais dont personne ne sort indemne. Rien que pour cela, son Prix du Jury à Cannes paraît mérité.
Impossible d’entrer dans les détails : plus qu’un récit, c’est une expérience sensorielle qu’il vaut mieux aborder sans trop en savoir, afin d’en préserver l’impact. Pour l’apprécier, il faut accepter de lâcher prise et se laisser emporter, comme on plonge dans un rêve, ou un cauchemar, que seule une salle de cinéma peut offrir.
Le postulat de départ est simple : un père et son fils débarquent au Maroc pour retrouver leur fille disparue au cœur d’une rave en plein désert. Leur quête les entraîne dans un road trip suffocant aux côtés d’une bande de teufeurs marginaux.
Dans le Coran, SIRÂT est le nom du pont qui relie l’enfer au paradis. Et c’est bien dans une descente aux enfers qu’Oliver Laxe entraîne ses personnages… et ses spectateurs…
Le film s’ouvre sur une immersion hypnotique dans l’univers des raves, entre délire visuel et explosion sonore. Puis il bifurque vers un road-movie haletant, traversé par la violence, jusqu’à un final qui laisse le spectateur K.O.
C’est visuellement somptueux, avec des plans majestueux sur le désert marocain, dont les paysages transpirent le danger et écrasent les personnages.
Mais la véritable force du film réside dans son ambiance sonore. Qu’il s’agisse de la musique techno ou de l’énorme travail sur le design sonore, ce n’est pas un simple habillage : c’est l’élément central qui structure le récit. Le lâcher-prise de la transe-techno est constamment mis en opposition avec les bruits anxiogènes du désert : le vent, les moteurs, le sable…
Ce road trip convoque un imaginaire riche, évoquant autant MAD MAX pour l’univers punk et mécanique, que LE SALAIRE DE LA PEUR pour le danger omniprésent.
La troupe de nomades semble d’ailleurs tout droit sortie de l’univers de Miller, avec cette bande de punks dont certains portent les stigmates de corps estropiés. Le casting, majoritairement non professionnel et choisi lors de vraies raves, renforce l’authenticité et suscite l’empathie pour cette troupe cabossée.
Oliver Laxe orchestre des scènes d’une intensité et d’une tension rares, où la salle entière retient son souffle.
Mais attention : SIRÂT n’est pas un film aimable. Sa noirceur et sa cruauté volontaire mettent souvent le spectateur mal à l’aise. Certains décrocheront, mais ceux qui accepteront le voyage vivront une expérience unique, visuelle et sonore, dont ils ressortiront sonnés. Un cinéma rare, qui secoue, dérange et s’imprime durablement dans la mémoire.