LE MANUEL DE LA JEUNE MARIÉE 1957

❤️❤️❤️❤️
Quand les absurdités d’hier éclairent les combats d’aujourd’hui.
Théâtre Actuel - 15h45
Nous sommes en 1957. Cinq jeunes femmes, à la veille de leur mariage feuillettent un manuel censé leur enseigner comment devenir l’épouse parfaite… On y découvre des recommandations pour le moins… déroutantes : boire un litre de bière par jour, éviter de regarder des statues trop dénudées dans les musées, talquer son bébé… à l’amiante. Des citations qui prêtent d’abord à sourire, avant de susciter la stupeur lorsqu’on réalise qu’elles ont bel et bien existé.
Chansons, chorégraphies rétro, sketches satiriques : la première partie du spectacle prend la forme d’une comédie musicale pétillante. Le pianiste, parfois lui-même « époux modèle », accompagne les comédiennes dans un tourbillon de légèreté et d’humour grinçant.
Le principe aurait pu devenir redondant, mais c’était sans compter sur l’ingéniosité de Virginie Lemoine. Rapidement, les apparences craquent. Chacune des cinq comédiennes livre un monologue où son personnage se dévoile dans un monologue. Elles évoquent leurs rencontres avec leurs futurs maris, leurs familles, leurs rêves et leurs doutes. On passe alors du théâtre de citation à un théâtre de l’intime, et c’est dans ce basculement que le spectacle révèle toute sa profondeur. La pièce trouve ainsi un parfait équilibre entre humour et émotion.
Les comédiennes, formidables de sincérité, d’humanité et d’engagement, nous touchent en plein cœur. Elles brillent autant dans le chant et la comédie que dans la justesse de ces instants de vérité. À travers leurs récits, ce sont toutes les femmes invisibilisées d’une époque pas si lointaine qui reprennent la parole.
L’intelligence de Virginie Lemoine est de ne jamais forcer le trait et de ne pas asséner de message militant. C’est le texte lui-même, avec son absurdité cruelle, qui devient dénonciation. En jouant le manuel au premier degré, le spectacle évite la caricature et invite à la réflexion sur le chemin parcouru… et celui qui reste à faire…
La mise en scène épurée laisse toute la place au jeu des actrices, à la musique et aux mots. On sort troublé, ému, reconnaissant envers ces voix du passé qui éclairent notre présent. Et avec une conviction profonde : la liberté dont jouissent aujourd’hui les femmes est le fruit de luttes acharnées. Mais aussi que ce combat, lui, est loin d’être terminé.


