DOSSIER 137
❤️❤️❤️💛
Anatomie d’une violence systémique

Avec DOSSIER 137, Dominik Moll s’aventure sur le terrain glissant des violences policières. Mais loin d’en faire un film à charge, il adopte un point de vue subtil en suivant une enquêtrice de l’IGPN. Un choix judicieux, qui installe le récit dans une véritable zone grise.
Comme dans LA NUIT DU 12, ce qui intéresse le réalisateur n’est pas tant le résultat de l’enquête que son déroulement et les failles d’un système. La « police des polices », mal aimée à la fois des policiers qu’elle contrôle et des citoyens qui lui reprochent l’absence de sanctions, devient ainsi le prisme idéal pour interroger un mécanisme opaque.
En situant l’histoire dans le contexte des manifestations des Gilets jaunes, Moll éclaire un aspect rarement traité : des unités envoyées au casse-pipe, parfois non formées au maintien de l’ordre, sous-équipées, et soumises à une pression politique immense pour « sauver la République ».
Sans excuser les violences policières, le film rappelle que ceux qui en sont auteurs sont aussi des humains, soumis à des conditions extrêmes. Même s’il dénonce ces violences, DOSSIER 137 ne tombe jamais dans le manichéisme. Il donne la parole aux victimes, aux policiers mis en cause, mais aussi à ceux qui ont été broyés par un système défaillant. Il interroge l’impact d’une minorité de policiers violents sur le ressenti des citoyens à l’égard des forces de l’ordre.
Le film adopte une rigueur quasi documentaire, avec une mise en scène dépouillée et méthodique. Les interrogatoires, souvent filmés sous plusieurs angles, maintiennent une tension constante, tout comme la manière dont les images (smartphones, vidéosurveillance, médias) sont analysées, recoupées, interprétées. C’est un film où l’on ressent le doute, l’incertitude, la difficulté de faire émerger la vérité dans un contexte saturé d’émotions et de procédures.
Une approche certes un peu didactique, mais qui fait la force du film : il expose sans surdramatiser, montre plus qu’il ne démontre, et laisse le spectateur se frayer un chemin dans la complexité du sujet.
Enfin, comment ne pas évoquer Léa Drucker, qui porte le film. Quelques mois après DANS L'INTÉRÊT D'ADAM, elle impressionne une nouvelle fois par sa force tranquille. Elle incarne une enquêtrice dont la froideur professionnelle masque un tumulte intérieur perceptible dans ses regards. Une composition d’une grande justesse, qui donne au film autant son humanité que sa tension.
Dominik Moll signe un polar social tendu, réaliste et profondément engagé, qui radiographie les institutions policières sans jamais tomber dans la caricature.


